Dans son œuvre Édifices du Savoir, Sophie Dumont nous propose une exploration poétique de la forme et de la matière à travers une abstraction subtilement évocatrice. En choisissant le titre "Édifices du Savoir", l’artiste oriente immédiatement notre regard vers une réflexion sur la connaissance, son accumulation, et sa transmission. La composition, construite autour de formes verticales qui semblent érigées comme des piliers ou des livres rangés, convoque l’idée d’une bibliothèque mentale, où chaque élément représenterait une pièce de savoir ou de mémoire.

L’usage des tons neutres – une palette de gris, de blancs cassés, et de bruns atténués – installe une atmosphère silencieuse, presque méditative. Ce choix chromatique suggère une abstraction qui n’est pas agressive, mais contemplative. Dumont semble vouloir éviter l’éclat des couleurs vives au profit d’une gamme plus apaisée, presque comme une allusion à la matérialité des livres anciens, au papier jauni ou usé par le temps. Ce traitement des couleurs confère à l’œuvre une impression d'intemporalité, renforçant l’idée que le savoir accumulé traverse les âges sans s’altérer.

Techniquement, le tableau se distingue par son usage de l’huile et du collage, une combinaison qui enrichit la texture et la densité de la surface picturale. Les couches de matière, parfois épaisses, offrent une profondeur tactile qui invite le spectateur à envisager l’œuvre non seulement comme une image visuelle, mais comme un objet à part entière, presque sculptural. Les collages, intégrés de manière subtile, apportent un élément de surprise et d’originalité, suggérant une multiplicité de strates de sens et de contenu, tout comme un livre ou une archive contient différentes couches de signification.

Les formes verticales irrégulières, qui pourraient être interprétées comme des volumes de livres ou des blocs de savoir empilés, sont traitées avec une certaine rudesse, laissant apparaître les bords texturés et les irrégularités de la surface. Cette approche organique traduit l’idée que le savoir n’est pas parfait ni immuable, mais qu’il se construit de manière progressive, parfois chaotique, avec des lacunes, des oublis, et des imperfections. Il y a ici une belle analogie entre la matérialité de la peinture et la nature du savoir : tous deux sont des constructions humaines, marquées par le temps, l’usure, et les aléas de l’existence.

L’historien de l’art pourrait également voir dans Édifices du Savoir un hommage discret à l’histoire de la peinture moderniste, notamment à l'abstraction géométrique et à l'art minimaliste du milieu du XXe siècle. Cependant, alors que ces mouvements cherchaient souvent à s’émanciper de la narration et de la référence figurative, Dumont réintroduit une dimension narrative discrète. Ses formes épurées et ses couleurs réduites évoquent non seulement l’esthétique moderniste, mais aussi une profonde réflexion sur le contenu symbolique et émotionnel que les formes peuvent porter. L’œuvre devient ainsi un lieu de rencontre entre le formel et le symbolique, entre le visible et l’invisible.

Le cadre en bois, qui entoure cette toile, agit comme un prolongement naturel de l’œuvre. Il renforce l’idée que ces "édifices" sont des objets précieux, presque sacrés, à la fois solides et fragiles, comme le savoir humain lui-même. L'encadrement, loin d'être un simple support, devient une part intégrante de l’œuvre, participant à sa matérialité et à sa présence.

En conclusion, Édifices du Savoir s’impose comme une méditation sur le temps, la mémoire et la transmission. Dans cette œuvre, Sophie Dumont réussit à créer un espace de réflexion où la matérialité de la peinture et du collage rencontre l'abstraction intellectuelle du savoir. C’est une œuvre qui, par sa simplicité apparente, ouvre un champ de résonances infinies, invitant le spectateur à questionner la manière dont nous construisons, conservons, et transmettons la connaissance à travers les âges.